Aller au contenu

Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

espiègleries dont le dieu aveugle (ou clairvoyant) se sert pour de deux ne faire qu’un.

Je sors tous les jours, soit avec mes amis, soit seule. J’ai visité avec eux Mount-Auburn, le grand cimetière de Boston, paysage romantique ressemblant à un parc avec collines, vallons et beaux arbres. L’orme paraît être le favori du Massachusett ; je n’en ai vu nulle part d’aussi magnifiques qu’ici. Ils s’élancent comme les palmiers, ont des tiges gigantesques, déploient leur couronne, inclinent leurs branches avec une souplesse des plus gracieuses. Elles sont maintenant dépouillées de feuilles, et j’y vois souvent suspendu, se balançant au vent, un nid bien construit ; c’est celui d’un fort joli oiseau, appelé oriole, qui établit ainsi son nid pour servir de berceau à ses petits. Son chant est, dit-on, délicieux. Il a construit de même son nid aux branches d’un orme immense de Cambridge, appelé l’orme de Washington.

Le temps est presque toujours beau, le soleil luit, et la couleur du ciel est d’une clarté, d’une vigueur surprenantes. Sa sérénité et sa transparence me fascinent et m’enchantent. Je sors souvent seule en me dirigeant d’un côté où le chemin ne tarde point à s’arrêter ; mais la vue est vaste et s’étend sur des champs couverts d’arbres. À l’horizon est une forêt de sapins, et partout, de près comme de loin, on voit de petits groupes de maisons et d’églises blanches. L’herbe est maintenant fanée et jaune ; mais lorsque le vent passe dessus, il apporte avec lui je ne sais quel parfum singulier et agréable qui m’impressionne d’une manière étrange. Des souvenirs délicieux et touchants, des visages chéris, des regards, des voix, mille sensations et pressentiments m’arrivent ; la vie et le cœur débordent, les sources de mes yeux également. D’où vient cela ? Serais-je