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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/189

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

la dissemblance, qui stimule chacune des parties par la présence de la puissance et du consentement chez l’autre. Puissé-je rester seul jusqu’à la fin du monde plutôt que de voir mon ami dépasser par la moindre parole, le moindre regard, sa véritable sympathie ! La concession me repousse autant que l’antagonisme. Que mon ami ne cesse pas un instant d’être lui-même. La seule joie que j’éprouve en l’ayant pour ami, c’est que son moi n’est pas le mien. Je déteste, quand je m’attendais à une résistance mâle, de trouver une bouillie de condescendance. Il vaut mieux être une ortie à côté de son ami que son écho. La condition d’une noble amitié, c’est de pouvoir s’en passer ; elle exige de grandes et sublimes qualités. Il faut avoir été très-positivement deux avant de pouvoir devenir complétement un. Qu’il y ait alliance entre deux grandes et puissantes natures qui se contemplent, se redoutent mutuellement avant de reconnaître la profonde identité qui les réunit malgré leurs différences.

« Celui qui a l’esprit noble, la certitude que la grandeur d’âme et la bonté sont toujours économes, qui n’est pas prompt à se mêler à la destinée, est seul propre à cette association. Qu’il laisse aller les choses ! Laissez au diamant le temps nécessaire pour sa formation, et ne vous attendez point à hâter la naissance de ce qui est éternel. L’amitié demande à être traitée religieusement. Nous parlons de choisir nos amis ; mais ce choix se fait naturellement. Le respect y a une grande part. Traitez votre ami comme un spectacle. Il a des mérites qui ne sont pas les vôtres, que vous ne pouvez pas honorer si vous le tenez trop près de votre personne. Soyez à son côté, laissez de l’espace à ces qualités, laissez-les croître et se développer. Êtes-vous l’ami des boutons du vêtement de votre ami ou de ses pen-