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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/198

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LA VIE DE FAMILLE

fouriériste on socialiste, sans cérémonie religieuse ; il est certain que ce mariage est encore un secret et qu’elle a un enfant. Mademoiselle Fuller l’a écrit elle-même, a parlé de sa joie maternelle ; mais quant à son mariage, elle en ajourne les détails à son retour en Amérique, qu’elle projette pour l’année prochaine. Ceci a donné lieu à mille discours parmi ses amis et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers croient le pire ; mais je n’oublierai jamais le sérieux avec lequel madame W. Russel l’a défendue un jour dans une société ! S’appuyant sur le caractère de mademoiselle Fuller, elle a repoussé les soupçons qui tendraient à le souiller. Ses amis de Concord, — entre autres M. et madame Émerson, Élisabeth et une jeune sœur de mademoiselle Fuller, mariée dans cette ville, — paraissent complétement calmes à son égard et convaincus qu’elle se justifiera à la clarté du jour. C’est beau. Dans ses écrits mademoiselle Fuller parle du droit des femmes à leur développement complet et de plusieurs principes de liberté qui, tout en étant conformes à la morale la plus rigide, heurtent cependant bien des gens, même dans ce pays de liberté. Ses amis, et, parmi eux, Marcus et Rebecca, si bons et au cœur pur, désirent pour moi que je la connaisse.

« Il faut que vous voyiez madame Ripley, me dit un jour Émerson ; c’est l’une des merveilles de Concord. » Et j’ai vu — une belle femme déjà âgée, aux cheveux d’argent, aux yeux bleus, limpides, profonds, jeunes, et tellement féminine de sa personne, qu’il était impossible de deviner qu’elle savait le grec, le latin, les mathématiques, aussi bien qu’un professeur. Les jeunes étudiants qui échouent dans leurs examens à l’Université trouvent en elle un aide pour les faire avancer, grâce à son talent extraordinaire pour l’enseignement et à son influence maternelle. Plus