Aller au contenu

Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
LA VIE DE FAMILLE

vait de comparaisons et d’expressions qui faisaient éclater de rire les auditeurs. John Brown riait avec eux, ne se laissait pas troubler et continuait avec plus d’animation encore. Je me souviens surtout du passage ou il racontait comment il avait traversé une rivière tandis qu’on le poursuivait. « Me voilà assis dans un bateau avec une paire de rames seulement, et ramant de toutes mes forces pour atteindre le rivage libre, où ma femme et mes enfants m’attendent déjà. Ceux qui me poursuivaient ramaient avec trois paires de rames pour me saisir ; ils sont tout près de moi. Mais au-dessus de nous est le grand Dieu qui nous regards ; il me donne de l’avance. J’arrive au rivage, je suis libre, et dès le soir avec ma femme et mes enfants. » L’assemblée applaudit.

Après cet orateur parut un groupe qui, lui aussi, fut accueilli par les plus vifs applaudissements. Une jeune femme blanche, portant une robe de même couleur fort simple, et les cheveux relevés, se présenta en tenant par la main une mulâtresse au teint basané. Cette dernière avait été esclave et s’était sauvée cachée dans un navire. Son maître, soupçonnant le lieu où elle était, avait obtenu la permission de visiter le navire ; il y fit répandre une épaisse fumée de soufre pour la forcer à se présenter ; mais elle avait en la force de résister et le bonheur d’échapper. Ce fut joli de voir mademoiselle Lucy Stone (j’avais fait sa connaissance chez mon petit docteur féminin) étendre sa main sur la tête de la mulâtresse en l’appelant « ma sœur » et en la présentant comme telle à la foule réunie. C’était bien, et tout le monde fut de mon avis, de voir une femme blanche se présenter ici comme la protectrice et l’amie de la femme de couleur. Mademoiselle Lucy le fit d’une manière toute féminine et avec calme. Puis elle ra-