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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/234

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LA VIE DE FAMILLE

chevaux, entouré d’une multitude qui poussait des acclamations. Le peuple s’écriait : « Comme il ressemble à la figure de granit ! » Mais le jeune prêtre vit dès le premier coup d’œil qu’il n’en était rien, que ce n’était pas le grand homme promis, et le peuple fit la même remarque quand cet homme eut fait un court séjour dans la vallée. Le jeune prêtre continua à marcher paisiblement dans sa voie, en faisant le bien, en attendant le bienfaiteur promis, et en regardant toujours la figure de granit ; il croyait vivre et agir sous ses yeux. Une fois encore on cria : « Le voici ! voici le grand homme ! » Et le peuple courut de nouveau à sa rencontre. L’étranger venait avec pompe comme le précédent, et la multitude cria encore : « Comme il ressemble à la grande figure de granit ! Assurément c’est lui. » — Le jeune prêtre vit un visage d’une pâleur jaune, elle ressemblait véritablement un peu à la grande figure ; cependant la différence était forte. Au bout d’un certain temps elle fut plus sensible, et on ne tarda point à s’apercevoir que ce grand homme ne l’était pas, ne ressemblait pas à la figure de granit, et on le chassa de la vallée. Ces espérances et ces erreurs se renouvellent plusieurs fois. À la fin, le jeune prêtre calme l’ardeur de son impatience ; il espère encore, mais en secret ; il continue tranquillement à remplir sa mission, avec une gravité croissante et dans un cercle plus étendu, tout en levant encore les yeux vers la grande figure de granit, et en gravant pour ainsi dire ses traits plus profondément dans son âme. Il devient homme mûr, ses cheveux commencent à grisonner, et son visage à porter la trace des années ; le grand homme n’est pas encore venu, mais il l’espère toujours. En attendant, l’influence du prêtre a ennobli les habitants de la vallée et elle s’est embellie. Après une longue