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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/313

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

ne lui étaient pas contraires. Oseconehola fut conduit d’abord à Saint-Augustin, puis à Charleston, au fort Moultrie dans l’île de Sullivan. À partir de ce moment, son courage parut l’abandonner. Les personnes qui l’ont visité dans sa prison (entre autres M. Monefelt) disent n’avoir jamais vu un regard aussi mélancolique, aussi sombre. Cependant il ne se plaignait pas et se bornait à parler souvent, avec amertume, de la manière dont il avait été fait prisonnier, de l’injustice commise à l’égard de son peuple en le contraignant à quitter sa terre natale pour aller habiter une contrée froide, « où l’on ne trouvait pas de pin inflammable. »

Sa beauté, le son mélodieux de sa voix, ses yeux noirs pleins d’un sombre feu, sa bravoure et sa destinée excitèrent l’intérêt général, et les femmes surtout ne rêvaient qu’au beau chef séminole, lui faisaient des visites, des présents. Mais, indifférent à tout, il devint de plus en plus silencieux, et du moment où il fut mis en prison, sa santé déclina sans qu’il parût malade. Oseconehola mangeait fort peu et ne voulait prendre aucun médicament. L’aigle captif ne pouvait plus vivre depuis qu’on l’avait privé de la vie et de l’air pur de ses forêts.

Deux de ses femmes, l’une jeune et jolie, l’autre vieille et laide, le suivirent dans sa prison. Cette dernière le servait et le soignait, c’était celle qu’il paraissait aimer le plus. Toujours occupé de cette unique pensée, la mort certaine de son peuple dans le pays froid où il n’y avait pas de pin inflammable, aigri, silencieux, il dépérit insensiblement et mourut un mois après son arrivée au fort Moultrie. Le pin inflammable de sa vie était épuisé. Un saule pleureur s’incline sur le marbre qui couvre sa tombe en dehors du fort, sur le rivage de la mer. Sa mort ne date