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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/33

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

fatigués, tirés… de quelle vie ils rendent témoignage ! Mieux vaut être couché et dormir à Océanhill, que de vivre de la sorte dans Broadway. Ces figures n’avaient guère de ressemblance avec celles que j’ai vues à Astorhouse. Mais Broadway m’a déjà montré des hommes et des chevaux comme j’aurais désiré ne pas en rencontrer dans le Nouveau-Monde, car ils prouvent que là aussi il y a dans la vie de sombres courants. Cependant peut-il en être autrement, surtout à New-York, grand hôtel et caravansérail de l’Univers, plutôt que ville américaine proprement dite ?

Après le diner, j’ai reçu de nouveau des visites, entre autres celle de madame Child. L’impression qu’elle m’a produite est celle d’une belle âme, mais trop délicate pour être heureuse. La petite Muse, mademoiselle Lynch, était au nombre des visites de ce matin : c’est une jeune personne agréable, tout âme, dont le visage et les traits rappellent un peu Jenny Lind. J’ai vu aussi des compatriotes. Un jeune et agréable Suédois, M. Frestadius, s’est présenté avec un gros bouquet. À peine si j’ai eu le temps de saluer M. Hejerdalh, consul de Norwége, et M. Buttenskœn. M. Ononius, de l’Ouest, est venu également ; il désirait me parler et prémunir nos compatriotes contre l’émigration et ses souffrances. Parmi les invitations qui m’ont été faites aujourd’hui, s’en trouve une pour visiter le Phalanstère de New-York. Je suis curieuse de voir ce monstre de près. La famille qui m’a fait cette proposition en m’offrant sa maison n’avait rien d’effrayant ; au contraire, elle était attrayante, simple, amicale et sérieuse.

Mais ce qui m’effraye un peu — pour moi-même, c’est ma vie dans ce pays, si elle ressemble à celle d’aujourd’hui. Elle me réduira a néant, mes forces seront insuffisantes pour tenir tête à tant de personnes si vives. Que devien-