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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/377

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

grand, quelque chose qui les rende supérieurs aux races blanches ; je ne puis me défaire de la croyance qu’ils sont et resteront inférieurs sous le rapport intellectuel. Mais ils ont des dons à eux et des plus remarquables. Leur oreille morale me paraît pure et délicate, ainsi que leur oreille musicale ; leur sensibilité est forte, vive ; leur bonhomie et leur esprit enjoué sont évidemment des dons qui leur sont propres. S’ils n’ont pas d’originalité comme créateurs, il y a, dans leur manière d’appliquer ce qu’ils ont appris, une originalité réellement rafraîchissante. On s’en aperçoit dans leurs chansons, seuls chants populaires originaux que possède le Nouveau-Monde ; ils sont aussi doux et gais que les nôtres sont mélancoliques. On s’en aperçoit aussi à leur manière de comprendre les préceptes du christianisme et de les appliquer à la vie.

Dimanche dernier je suis allée dans l’église nègre baptiste d’ici avec l’un des dignes descendants des pèlerins, M. Fay, établi à Savannah et fort amical à mon égard. Le prédicateur nommé Bentley, je crois, était nègre. Il prêcha d’abondance avec une grande animation et beaucoup de facilité : parla de la venue du Sauveur sur la terre : dit comment et pourquoi il était venu. « Je me souviens, dit-il, d’un voyage que le président des États-Unis a fait pour voir notre ville de Savannah. Je me souviens du mouvement qui en résulta parmi le peuple, comme on allait à sa rencontre dans de grandes voitures. Les locomotives fumaient terriblement et les gros canons tiraient coup sur coup. Le président arriva dans une grande et belle voiture, fut conduit dans la meilleure maison de la ville (c’était celle de M. Scarboroughs), — et quand il y fut, il se mit à la fenêtre. Mais on tendit une corde autour de la maison pour empêcher les nègres et autres pauvres gens d’approcher.