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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/47

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

rendent témoignage d’une nature poétique vraie. Il faut que Lowell s’exprime en vers ; il ne les fait pas, il les chante, et dans son chant se trouve l’agitation qui émeut le cœur et déploie les ailes de la pensée.

Waldo Émerson, plus philosophe que poëte, mais poétique dans ses thèses philosophiques en prose, me frappe comme une nature nouvelle et spéciale. C’est le plus extraordinaire des trois, c’est un Thorild[1] américain qui veut réformer le monde par sa propre et puissante nature, ne cherchant des lois et de l’inspiration que dans son propre sein. Fort et pur, réfléchi et calme, mais en même temps fantastique, il lance, de son point de vue transcendant, des aphorismes sur la nature et l’histoire, sur Dieu (qui n’est pas pour lui un Dieu personnifié, mais une « âme supérieure » une harmonie de lois), sur les hommes, les critiquant ainsi que leur activité en partant de l’idéal du beau le plus vrai et le plus élevé. « La terre n’a pas encore vu un homme, » dit Émerson, et il aspire à voir venir cet homme, l’homme du Nouveau-Monde, à la venue duquel il croit. Ce que cet homme nouveau doit être ou ce qu’il fera est un peu incertain ; seulement il sera vrai et beau dans la plus haute signification de ce mot ; et je soupçonne aussi qu’il doit être très-beau et grand de figure pour trouver grâce devant Émerson, d’une beauté rare, dit-on, et qui considère les défectuosités du corps comme une sorte de péché. L’homme nouveau ne suit pas d’autres lois que celles enfermées dans son sein ; mais là sont les sources non falsifiées de la vérité et de la beauté. L’homme nouveau ne croit qu’en lui, exige tout de lui-même, fait tout lui-même, se repose sur lui et en lui. L’homme nou-

  1. Poëte et philosophe suëdois. (Trad.)