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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/58

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LA VIE DE FAMILLE

pement futur. Il est vif, plein de vie et du désir de communiquer ses pensées ; et, quoique son anglais soit parfois le « baragouin » le plus singulier que j’aie jamais entendu, son esprit sait lui frayer une route, souvent d’une manière brillante, hier au soir, par exemple, en caractérisant l’œuvre historique de Macaulay, ses défauts et ses mérites. Downing, qui est peu démonstratif, s’écriait continuellement : « Excellent ! ravissant ! » Bergfalk lui ayant plu au suprême degré, il le pria de rester la nuit ; mais il avait déjà arrêté une chambre dans la ville. Nous l’accompagnâmes jusqu’à son auberge ; je lui donnai les écrits de Lowell et d’Émerson pour lui tenir compagnie.




Aujourd’hui dimanche, 21, tandis que je continuais ma lettre, Bergfalk est revenu ici, amenant un jeune médecin suédois appelé Uddenberg, établi à Saint-Barthélemy, et qui désirait me voir. La matinée a été fort riche, grâce à un entretien sur le poëme de Lowell intitulé « Prométhée, » et la manière dont un poëte américain a traité ce sujet, sur lequel, de temps immémorial, tous les poëtes se sont évertués. Bergfalk s’est distingué derechef par sa faculté de saisir dans les choses ce qu’elles ont de caractéristique, et rien en ce genre n’est perdu pour Downing. À ma demande, ce dernier nous a lu le beau passage où Prométhée brave le tyran antique, et dans lequel le poëte du nouveau monde se montre en opposition avec le vieux monde. Ce n’est pas la joie, la haine, la vengeance, comme dans le Prométhée d’Eschyle, qui rafraîchit le cœur déchiré du martyr en apprenant que la puissance du tyran finira ; ce n’est pas, comme chez Byron, l’orgueil de ne pas faiblir, de se sentir plus grand que Zeus sous le rapport de la