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Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/44

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relle, la famille, contient en elle l’idée de l’obéissance et du respect dû aux parents la plus simple association artificielle de deux êtres humains repose sur l’idée de justice, et sur le devoir d’observer ses engagements.

On le voit, l’erreur de nos adversaires est toujours la même. C’est toujours la même fausse assimilation entre l’homme et l’animal. Ils supposent à l’origine les instincts sociaux aveugles de l’animal, et veulent joindre bout à bout à cette société fatalement gouvernée et non perfectible une société rationnelle et morale composée d’êtres humains. C’est absolument comme s’ils supposaient qu’un être qui était dans son enfance singe ou chien, se transforme graduellement en homme pendant son adolescence. Est-il besoin d’ajouter qu’il y a toute une partie de la moralité humaine qui ne saurait s’expliquer aucunement par l’action de la société. L’homme étant, par sa raison, en relation avec un monde idéal et invisible, ayant devant lui le type de la perfection, de la beauté et de la justice, l’homme qui peut connaître Dieu, sent peser sur lui-même une loi qui l’atteint dans les profondeurs intimes de son être. Les hommes voient ce qui paraît, voilà la morale sociale. Mais Dieu voit le fond du cœur, voilà la vraie morale, la morale complète, celle qui rend l’homme véritablement homme et digne de sa nature rationnelle. Or l’origine de cette morale intime n’est pas explicable à un degré quelconque, par la théorie superficielle qui ferait sortir la moralité des instincts sociaux. L’évotutionisme supprime donc par son principe toute la morale qui règle l’intérieur de l’âme humaine.

VI

Il nous reste à discuter cette seconde thèse des évolutionistes à savoir qu’une morale contingente fondée sur l’intérêt de la société pourrait avoir été transformée par l’hérédité en une morale absolue, appuyée sur l’idée du devoir. Ici nous arrivons à la question fondamentale et capitale, à celle de l’origine des idées absolues, de l’idée du bien et de la notion du devoir obligatoire. Que ces idées existent actuellement chez l’homme, personne ne peut le nier. Qu’elles ne soient pas le résultat de l’éducation ni l’effet direct de la perception extérieure, c’est ce qui est encore tout à fait certain. Les sens ne peuvent donner à l’homme des idées morales, et l’éducation serait impuissante s’il n’y avait pas dans l’enfant, au moins à l’état latent, des notions morales, que la parole des parents peut éveiller. Ceci est de toute évidence. En effet, lorsqu’il s’agit de faire comprendre aux enfants des paroles qui représentent un objet matériel, les parents leur montrent l’objet, et