Aller au contenu

Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

directement, soit par quelque intermédiaire, ce que les hommes actuels reçoivent de leurs parents, c’est-à-dire l’initiation à la pensée, au langage, à la connaissance du vrai et du bien. C’est que Dieu lui a donné, sous une forme quelconque, cette première impulsion que les parents donnent à leurs enfants et sans laquelle le développement de l’homme, en tant qu’être intellectuel et moral, semble impossible.

Les premiers hommes ont-ils été crées enfants ou adultes ? La raison ne saurait se prononcer sur cette question. La révélation seule peut nous éclairer sur ce point. Mais, s’ils avaient été créés enfants, Dieu aurait dû avoir pour eux les soins d’un père ; il les aurait élevés. S’ils ont été créés adultes, il a dû suppléer par une science infuse à ce que l’éducation aurait dû produire. Il a dû les créer tout élevés, sachant ce que des parents leur auraient appris.

Voilà ce qu’ont été les premiers hommes, et voilà l’origine de la morale. La conscience a dû être éveillée et mise en action par une parole divine primitive, comme la conscience de l’enfant est de nos jours éveillée par les paroles de sa mère.

Mais ce n’est pas tout ; si Dieu a dû remplir à l’égard des premiers hommes la fonction de père, il n’est pas vraisemblable qu’il ait dissimulé sa présence. Il a dû se manifester à l’homme, lui dire son nom, l’instruire de ses devoirs envers sa majesté. Instruit par le Créateur, le premier homme a dû connaître le Créateur. La morale chez lui a dû être unie à la religion. Le bien et le mal lui ont apparu dès le principe, comme ce qui est ordonné ou défendu par le Père céleste.

Ce n’est pas tout encore. L’homme n’a pas été créé pour être seul. C’est par un premier couple que l’humanité a dû commencer Or ce premier couple, qu’est-ce, sinon la première famille, germe et embryon de toute société. La famille, la société, la morale et la religion, sont donc nées ensemble, en même temps que l’humanité.

Suivons maintenant ces idées et passons à la seconde génération. Les enfants de ce premier couple ont pu sans doute avoir, comme leur père, des communications directes avec Dieu, mais cela n’était plus aussi nécessaire. On peut supposer que ces communications ont cessé bientôt. Dès lors, quelle est pour eux la forme de la loi morale ? Elle se présente à eux, à la fois comme la volonté de Dieu et comme l’ordre du père chef de la famille. Le père est l’autorité naturelle de la famille. Ses ordres sont ratifiés par Dieu. Le père aussi, dans l’ordre de la tradition, est l’intermédiaire entre les enfants et Dieu. C’est lui qui a été élevé directement par Dieu, et qui doit transmettre aux enfants ce qu’il a reçu de son Créateur. Ainsi volonté de Dieu transmise par le père, et en même temps