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Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/75

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sants moyens d’action, la morale spiritualiste de Rousseau. Le règne de cette morale fut moins long que ne l’avait été celui de la morale chrétienne. Chez ceux qui ont nié l’autorité de l’Église, il avait fallu deux siècles pour descendre de Calvin à Rousseau ; trois quarts de siècle suffiront pour que la morale déiste ait constaté son impuissance et cédé le pas à la morale sans Dieu, a cette morale indépendante que j’ai combattue l’an dernier et qui voulait encore conserver l’idée du devoir. Mais cette morale nouvelle avait à peine exposé ses principes et tracé le plan de l’édifice qui devait remplacer l’Évangile, que déjà, elle était débordée. Un quart de siècle à peine après la réaction d’athéisme dont les œuvres de M. Renan ont donné le signal, la morale évolutioniste, cette morale qui n’en est pas une, cette doctrine qui fait du devoir un préjugé et du bien une illusion, paraissait sur la scène philosophique et au nom de la même logique, sommait la morale indépendante de lui céder la place. Ainsi se sont trouvés vérifiées, par les faits contemporains aussi bien que par les faits passés, les deux grandes vérités fondamentales dont j’ai essayé de donner ici une démonstration complète.

Partout et en tout lieu, la religion, la morale et les institutions sociales sont si étroitement liées, qu’on ne peut détruire la religion sans que la morale périsse, ni détruire la morale sans que la société s’écroule. Dans les sociétés civilisées modernes que l’Évangile a élevées à un niveau supérieur, le rôle social et moral, que remplissaient plus ou moins bien les diverses religions de l’antiquité ne peut être rempli que par la religion chrétienne. C’est donc la morale chrétienne qui est la vraie et unique morale des sociétés civilisées, la vraie morale de l’avenir comme elle est celle du passé, morale éternelle dans son essence, et qui doit durer sur la terre aussi longtemps que notre planète sera le séjour d’hommes vivant en société.