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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/111

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scandale et de ridicule, m’inspiraient une insurmontable répugnance. J’avais peut-être tort ; car, au fond, c’était un bon homme, et l’oncle de ma sœur. J’ai eu occasion de rencontrer, depuis sa mort, cette femme qu’il avait achetée pour l’épouser ; elle était devenue chrétienne, mais restée énorme, vieille et sotte ; elle aurait parfaitement rempli le rôle d’une servante de cabaret. Ce n’était pas la peine de changer de religion pour épouser sa cuisinière.

La ville de Venise était, à cette époque, déserte, et tombait en ruines ; toute la population noble et riche l’avait désertée ; les fenêtres des palais, quand il y restait des fenêtres, étaient fermées ; les magnifiques tableaux répandus à profusion dans les églises se couvraient de fumée et de moisissure ; le théâtre de la Fénice était clos ; la place Saint-Marc triste et sombre ; il ne restait que quelques vieux ciceroni pour vous expliquer l’intérieur du palais et les monuments. C’était un spectacle de désolation.

Milan était, au contraire, gai et brillant ; c’était une capitale ; le vice-roi et la vice-reine y menaient grand train, la cour était animée, de beaux chevaux, de somptueux équipages, rien n’y manquait.