Aller au contenu

Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au bon exemple dans un langage tout à fait édifiant. Si quelque chose pouvait engager M. d’Argenson à persister, c’était précisément ce langage. Il détestait l’hypocrisie plus encore que l’exhibition publique mais il promit à M. Réal que sa piété serait satisfaite, qu’un siège, conforme en hauteur, à sa dignité lui serait préparé dans la cathédrale, et, le lendemain de bonne heure, il l’y conduisit, en effet, pour lui montrer que tout était à souhait. M. Réal trouva tout fort bien estradé, grand fauteuil, coussin de velours cramoisi et le reste ; puis, en sortant, passant devant la chaire, il la montra du doigt, et dit en souriant malicieusement. C’est pourtant là, qu’il y a dix ans, nous prêchions la théophilanthropie.

M. d’Argenson haussa les épaules et lui tourna le dos.

Ce qui rendait la position précaire était précisément ce qui la rendait durable, ou, si l’on veut, ce qui la faisait durer. Mettant chaque jour le marché à la main, on hésitait à le prendre au mot. Deux circonstances précipitèrent l’événement.

La disgrâce de M. de Talleyrand survenue à la suite des affaires d’Espagne (je ne décide point), avait entraîné l’exil d’un de ses amis, M. de Mont-