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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/147

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Je pouvais donner ma démission, mais la mission étant laborieuse et périlleuse, je craignais qu’on ne se méprît sur mes motifs.

Tout balancé, je trouvai plus digne et plus sage de partir sur-le-champ, sans même attendre mon ordre de départ, sans prendre congé de mes chefs, sans me plaindre de rien, de payer de ma personne, autant qu’il me paraîtrait nécessaire pour mettre mon bon renom à couvert, puis de donner ma démission, si l’on persistait à refuser de me rendre justice.

Je fis mes préparatifs à la hâte, et sans mot dire. Je partis sans revoir M. de Bassano, sans revoir M. l’archichancelier, ni M. Mole, sans même aller voir M. Dudon ; je m’arrêtai aux Ormes pour dire adieu à ma mère, et j’en repartis dès que je sus M. Dudon en route pour notre destination commune.

J’étais, en passant, au théâtre de Bordeaux, le jour où l’on vint annoncer, entre les deux pièces, la naissance du roi de Rome, et je remarquai, non sans quelque satisfaction maligne, qu’en dépit des efforts et des précautions de la préfecture, l’événement était froidement accueilli par quelques rares applaudissements. Mes sentiments personnels étaient à l’unisson.