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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/182

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corbo, sorte de pâté de rochers jeté au beau milieu de la vieille Castille, sans lien avec les montagnes environnantes, et traversé par une petite rivière, nous rencontrâmes, comme de coutume, les insurgés qui côtoyaient un des bords, tandis que nous suivions l’autre ; ils nous tirèrent quelques coups perdus qui ne nous firent ni peur ni mal.

En approchant de France, nous fûmes avertis que les insurgés nous attendaient, en force, dans un village qui nous fut désigné et se proposaient de nous faire un mauvais parti. Effectivement, lorsque nous aperçûmes ce village, à la tombée de la nuit, il était tout illuminé. On fit charger les armes, former l’escorte en colonnes serrées. Nous nous plaçâmes au centre, Jardet et moi. Je tirai même, à son exemple, ma petite épée, dont la garde était ornée d’une momie, selon le modèle impérial, épée que j’ai encore, n’en ayant jamais porté d’autre ; j’armai mes pistolets, mais le tout en pure perte. Au moment où nous entrâmes dans le village, toutes les lumières furent éteintes, et nous le traversâmes dans le silence et l’obscurité. Les insurgés nous avaient trouvé apparemment plus nombreux et mieux préparés qu’ils n’espéraient.