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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/232

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avec les chances de chaque jour et les intentions, mobiles à leur tour, visaient à plus d’une fin.

Au vrai, personne n’était dupe. L’empereur, dans le fond de son âme, n’admettait de paix que celle qu’il dicterait lui-même, le pied sur la gorge de ses ennemis en offrant à l’Autriche sa part dans les dépouilles de la Prusse et de la Russie, il ne comptait ni l’éblouir ni l’entraîner. Il négociait pour gagner du temps, pour achever ses préparatifs ; il n’espérait et ne désirait qu’une chose, devancer la défection de l’Autriche, frapper les grands coups avant qu’elle se déclarât contre lui, et l’avoir ensuite à sa discrétion, comme il avait eu la Prusse à sa discrétion après la bataille d’Austerlitz.

Dans cet unique but d’amuser le tapis le plus longtemps possible, il croyait mieux réussir en engageant une négociation telle qu’elle, qu’en suivant le conseil que lui donnaient Cambacérès, M. de Talleyrand et M. de Caulaincourt, en laissant l’Autriche à elle-même sans lui rien demander, sans lui rien offrir, et j’estime qu’il avait raison. C’eût été livrer cette puissance sans motif, et presque sans prétexte de résistance aux sollicitations des coalisés, et aux progrès croissants de l’insurrection allemande.