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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/240

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maître, on le tint en réserve pour le congrès, ou si l’on veut, pour le simulacre de congrès qui se préparait.

J’ai conservé un très bon souvenir des cinq semaines que j’ai passées à Dresde. J’employais mes matinées tantôt à visiter la galerie, l’une des plus magnifiques de l’Europe, tantôt à parcourir les environs qui portent, à juste titre, le nom de Suisse allemande. Le plus souvent je traversais l’Elbe sur un pont moitié ruiné, moitié rétabli, et j’allais voir nos jeunes conscrits s’exercer, dans la plaine, à l’école de peloton et au maniement des armes. Ils me semblaient bien gauches, bien inexpérimentés, bien novices, et les instructeurs qui les gourmandaient leur donnaient une apparence de timidité qu’ils n’avaient pas devant l’ennemi ; en tout, c’était un spectacle inquiétant et triste.

Un jour que je me livrais à ces pensées, les yeux fixés sur plusieurs groupes qui s’essayaient vainement à marcher au pas, je fus rejoint par le général Mathieu Dumas, alors intendant général de la grande armée. Je le connaissais de longue date ; il avait été l’ami de mon père et son compagnon d’armes en Amérique. Je lui fis part de mes pressentiments ; il ne me cacha pas qu’il les partageait,