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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/293

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souviens, en effet, au moment même où j’écris ces lignes, que six ou sept ans avant la Restauration, en plein régime impérial, ayant eu l’honneur de passer deux jours au château d’Ussé, où madame de Duras résidait avec son mari et ses deux filles, elle me lut avec un enthousiasme que je partageais sincèrement, le fameux article du Mercure qui pensa faire arrêter son auteur.

Il était donc chez elle le personnage en évidence, et, chose digne de remarque, dès cette époque, c’est-à-dire au plus haut faîte de sa réputation, maître du terrain, enivré de gloire et d’espérance, il était déjà ce que nous l’avons vu dans ses jours d’adversité et de décadence, rogue et dédaigneux, étalant avec complaisance une personnalité naïve presque jusqu’au cynisme, une vanité envieuse, amère et morose, mécontent de tout, de tous et de chacun ; il était déjà l’homme des Mémoires d’outre-tombe.

Ce n’était pas chez madame de Staël que je voyais le plus souvent M. de la Fayette ; il habitait sa terre de la Grange et ne venait à Paris que par intervalles. Quand il y venait, j’allais le voir chez lui. Je le rencontrais chez M. de Tracy et chez plusieurs de ses amis ; M. d’Argenson avait renoué avec lui