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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/309

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foule, et écoutant ce qui se disait ; tout était morne, calme, indifférent ; au fond, sans regret, sans espoir, mais non sans inquiétude.

Mon cher, disait quelques jours après l’empereur à M. Mollien, ils m’ont laissé venir comme ils ont laissé partir les autres.

Cela est vrai, comme le mot de Cromwell, lorsque, entendant autour de lui des acclamations joyeuses, il disait à Shurloe : Ces gens-là crieraient encore plus fort et plus joyeusement s’ils me voyaient mener pendre.

Enfin vint le moment fatal. Le jour du départ, je n’avais aucun motif pour me présenter aux Tuileries. Je n’étais pas de la cour. Il m’eût été impossible de feindre pour les personnes un regret que j’éprouvais réellement, mais que je n’éprouvais pas précisément pour elles ; dans l’opinion qu’on avait de moi fort injustement, en ce lieu-là, on m’eût pris pour un ennemi secret, peut-être même, que sais-je ! pour un bonapartiste en flagrant délit d’espionnage. Tout se pouvait dans un tel moment et de la part de telles gens.

Je me bornai donc, comme les badauds, à regarder du dehors les préparatifs mal dissimulés d’une évasion car, dans le langage officiel du mo-