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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/311

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à tout venant, d’un ton goguenard et presque à la pointe de leur sabre, des cocardes tricolores.

À la tombée de la nuit, nous eûmes la petite pièce avant la grande. Nous vîmes Saint-Didier, l’ancien préfet du palais, à la tête de la domesticité impériale, valets de pieds, officiers de bouche, cuisiniers, marmitons, chacun ayant déterré sa livrée, prendre triomphalement possession des appartements en désordre, des lits encore défaits, des réchauds encore fumants, et poursuivre à coups de balai et de broche ce qui restait encore de la domesticité royale.

À nuit close, le maître arriva. Il arriva comme un voleur, selon l’expression de l’Évangile, qui ne fut jamais plus juste. Il grimpa le grand escalier des Tuileries, porté sur les bras de ses généraux, de ses anciens ministres, de tous les serviteurs passés et présents de sa fortune, sur le visage desquels on pouvait néanmoins lire autant d’anxiété que de joie.

À peine fut-il assis, qu’il entendit retentir à ses oreilles les mots de constitution, de liberté, etc. ; il avait lui-même entonné la première note dans ses proclamations. C’était d’ailleurs le mot d’ordre, la lubie du jour, le jargon de la circonstance. Ce