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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/355

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bilité douce, facile et toujours à l’œuvre. Il inspirait un profond intérêt par ses rares qualités et plus encore, s’il est possible, par le malheur dont ses traits portaient l’empreinte. Il était venu s’établir à Pise pour disputer, s’il se pouvait, à la mort, la dernière de ses filles, la seule qui lui restât il la voyait dépérir rapidement, sans espoir, sans illusion. Le coup lui était d’autant plus sensible qu’il avait cherché de bonne heure, dans l’existence domestique, le refuge et la consolation des disgrâces de sa vie publique.

Il avait été le condisciple de M. Canning, dont il était resté l’ami de cœur. Durant le cours de leurs études, de leurs débuts de jeunesse, il était reconnu d’un commun aveu le supérieur de celui qui n’en reconnaissait point d’autres ; il le surpassait en éloquence comme en tout le reste, et, lorsque, à peine majeur, il entra au parlement, il était attendu comme un astre nouveau qui devait faire pâlir tous les autres. Cette attente lui fut fatale : il se leva, prit la parole, se troubla, se rassit et depuis il est resté cloué sur son siège.

Il m’a raconté lui-même cette triste scène, les larmes aux yeux, le sourire sur les lèvres, avec une simplicité charmante, pour me servir de leçon et