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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/394

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mes instances, à risquer un voyage inutile, et qui pouvait compromettre sa santé. Il était déjà fort âgé. Un autre médecin, célèbre aussi, mais moins que M. Butini, fut moins inexorable. Je ramenai à Paris celui-ci, M. Jurine, qui se décida, par affection pour madame de Staël, plus que par tout autre motif. Il était trop tard, et son discernement ne fut pas même récompensé par une apparence de succès.

Madame de Staël recevait de jour et de nuit les soins passionnés de sa fille et ceux d’une Anglaise, établie à Genève depuis plusieurs années, et dont l’existence, semée d’orages et d’infortunes, avait tourné, s’il est permis de parler ainsi, en dévouement ardent et impétueux pour notre famille. Mademoiselle Randall et ma femme passaient alternativement la nuit au pied du lit de douleur ; mon beau-frère et moi alternativement dans le salon qui ouvrait sur la chambre à coucher. Nous voyions l’instant fatal approcher d’heure en heure. L’agitation nerveuse devenait continue ; l’intermittence des spasmes de plus en plus courte. Madame de Staël ne se faisait aucune illusion ; sa hauteur d’âme, la vivacité de son esprit, son intérêt pour toute personne et sur toutes choses ne l’abandon-