Aller au contenu

Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rétabli dans la paroisse des Ormes. Ce curé était un bon prêtre qui, ne joignant pas, néanmoins, aux vertus de son état, une ardeur insatiable pour le martyre, ne laissait pas d’être un peu troublé, en entendant de nouveau les menaces et les blasphèmes qui, deux ou trois ans auparavant, avaient frappé ses oreilles, en voyant se rouvrir devant lui la carrière de périls qu’il avait parcourue sans faiblir. La cérémonie de ma première communion fut cependant solennelle ; nous étions environ vingt enfants entourés de nos familles ; les autorités ne nous inquiétèrent point, et les patriotes du lieu se contentèrent de sourire sans faire entendre aucune parole inconvenante.

Ceux qui n’ont point vécu à l’époque dont je parie ne sauraient se faire aucune idée du profond découragement où la France était tombée dans l’intervalle qui s’est écoulé entre le 18 fructidor et le 18 brumaire. En rentrant à pleines voiles sous le régime de la Terreur, elle y rentrait sans consolation et sans espérance. La gloire de ses armes était flétrie, ses conquêtes perdues, son territoire menacé. Le régime de la Terreur ne lui apparaissait plus comme une crise effroyable mais passagère, comme un épouvantable paroxysme conduisant né-