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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/50

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prudent peut-être, contre les terroristes et les régicides, s’étaient alliés plus ou moins avec les partisans de la contre-révolution dont Pichegru était le chef ; les autres, par une appréhension justifiable peut-être des conséquences de cette alliance, ne s’étaient pas ouvertement séparés du Directoire, même après le coup d’État détestable qui l’avait momentanément remis sur pied. En défiance les uns des autres, ils étaient plus portés à se reprocher mutuellement les torts du passé qu’à faire cause commune contre les excès du moment présent. Siméon, au Tribunat, se serait bien gardé de prêter appui à Benjamin Constant. Leurs divisions laissaient le champ libre à l’ascendant du génie et de la sagesse, de la gloire et de la fortune. Le code civil et le Concordat, la paix de Lunéville et la paix d’Amiens répondaient à tout et à tous.

J’étais bien jeune à cette époque : élevé dans les principes de mon père et de mon beau-père, j’inclinais fort, à part moi, du côté de ceux qui redoutaient plus les progrès de la dictature qu’ils n’en appréciaient les bienfaits ; ce qui me choquait le plus, c’était toute apparence de retour à l’ancien régime, et l’établissement de la Légion d’honneur, en particulier, m’inspirait une aversion très peu