Aller au contenu

Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyage que j’ai conservé très longtemps, et où se trouvaient consignées des observations curieuses sur ce sujet. Je n’oserais me fier à ma mémoire, après un demi-siècle et plus, pour y suppléer, mais qui n’a pas été frappé, comme moi, de ces campagnes découpées en compartiments symétriques, de ces champs, de ces prairies encaissées, pour ainsi dire, entre des digues ; de ces récoltes transportées dans des chariots courant au grand galop sur ces digues, de ces énormes chevaux s’élançant avec un bruit formidable et faisant trembler sous leurs pieds le sol mouvant des routes exhaussées de main d’homme, puis mangeant dans des auges de la bière et du pain exactement comme leurs conducteurs ; de tout cet aspect étoffé, pour employer une expression toute anglaise, des hommes et des choses ?

Rien ne ressemble moins que là campagne hollandaise à toute autre campagne ; tandis qu’en passant de France en Allemagne, en Italie, en Espagne, voire même en Angleterre, les yeux bandés, on aurait quelque peine, le bandeau tombant, de dire si l’on a changé de pays, en Hollande, dès qu’on y a mis le pied, on est entièrement dépaysé, on a passé non seulement d’un lieu, mais d’une région dans une autre.