Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la cire ces murs polis pendant une chaude journée d’été, applaudira comme moi le bienfaisant barbare qui a décoré d’un blanc rose délicat un autre vaste appartement de Fieldhead, à savoir le salon, autrefois également boisé en chêne. Ce barbare peut avoir mérité l’épithète de Hun ; mais il a donné on aspect infiniment plus gai à cette partie de sa demeure, et a épargné aux servantes futures un pénible travail.

Ce parloir aux brunes boiseries était entièrement meublé dans le vieux style, et avec des meubles véritablement anciens. De chaque côté de la grande cheminée étaient deux antiques chaises en chêne, solides comme des trônes rustiques, dans l’une desquelles était assise une dame. Mais ce n’était point miss Keeldar ; la dame en question devait avoir atteint sa majorité depuis au moins vingt ans. Elle avait une taille de matrone, et, quoiqu’elle ne portât pas de bonnet et que ses cheveux d’un brun peu foncé ombrageassent des traits délicats et qu’on eût pu croire jeunes, elle n’avait pas et ne cherchait pas à se donner l’apparence de la jeunesse. On eût pu désirer que ses habits fussent d’une mode plus moderne. À côté d’une robe bien faite et d’une coupe élégante, la sienne eût fait une singulière figure. On ne pouvait comprendre qu’un vêtement de si belle étoffe pût être si sobre de plis et d’une mode si ancienne, et on était tenté d’attribuer tout d’abord à celle qui le portait un caractère excentrique et original.

Cette dame accueillit les visiteurs avec cet air cérémonieux et défiant tout britannique, et qu’il est donné aux matrones anglaises seules de prendre ; un air si incertain de soi-même, de ses propres mérites, de son pouvoir de plaire, et cependant si anxieux de se montrer d’une convenance irréprochable, et de paraître plutôt agréable qu’autrement. Dans la circonstance présente, cependant, elle montra plus d’embarras que n’en font paraître d’habitude les dames anglaises les plus défiantes. Miss Helstone le remarqua, sympathisa immédiatement avec l’étrangère, et, connaissant par expérience la conduite à tenir avec les gens timides, prit tranquillement un siège à côté d’elle, et se mit à lui parler avec une aisance tout aimable, produite en ce moment par la présence d’une personne plus timide qu’elle. Si elles avaient été seules, elles n’eussent pas tardé à être tout à fait bien ensemble. Cette dame avait la voix la plus harmonieuse qui se pût imaginer : infiniment plus douce et plus fraîche qu’on n’eût pu l’attendre d’une dame de qua-