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— Vraiment ! Pierre-Auguste, tenez-vous sur vos gardes ! ne mangez plus de côtelettes de mouton cette nuit. On vous laisse le commandement de cette fabrique, un poste honorable.

— Quelqu’un restera-t-il avec moi ?

— Choisissez parmi les personnes ici réunies. Mes garçons, combien d’entre vous veulent rester ici, et combien veulent venir avec moi et M. Moore au marais de Stilbro’, pour joindre quelques hommes qui ont été surpris et attaqués par les briseurs de métiers ? »

Trois seulement s’offrirent pour aller, le reste préféra rester. Comme M. Moore montait à cheval, le recteur lui demanda à voix basse s’il avait enfermé les côtelettes, de façon que Pierre-Auguste ne pût les prendre. Le manufacturier fit un signe affirmatif, et la troupe se mit en marche.




CHAPITRE III.

M. Yorke.


Il paraît que la gaieté dépend au moins autant de ce qui se passe au dedans de nous, que de ce qui se passe au-dehors et à l’entour de nous. Je suis amené à faire cette remarque vulgaire en voyant M. Helstone et M. Moore s’éloigner des portes de la fabrique à la tête de leur petite troupe, dans la situation d’esprit la plus gaie possible. Quand un rayon de lumière (car les trois piétons de la bande portaient une lanterne) tombait sur le visage de Moore, vous pouviez voir ses yeux briller d’un éclat inaccoutumé, et une vivacité toute nouvelle éclairer sa physionomie ; il en était de même du recteur, dont les traits durs avaient pris une expression de gaieté toute particulière. Cependant une nuit humide et froide, une expédition périlleuse, direz-vous, ne sont pas des circonstances faites pour animer ceux qui sont exposés à l’humidité et engagés dans l’aventure. Si quelques-uns de ceux qui venaient d’agir au marais de Stilbro’ avaient pu voir cette bande, ils eussent éprouvé un grand plaisir à frapper l’un ou l’autre chef