Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/341

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avait été sa vie, quelle culture avait reçu son esprit, quelle était l’étendue de son intelligence, en quels moments et sur quels points ses sentiments étaient vulnérables.

Ce jour-là, par exemple, pendant leur promenade, mistress Pryor parla à sa compagne des nombreuses variétés d’oiseaux qui chantaient dans les arbres ; elle décrivit leurs différentes espèces, ainsi que leurs habitudes et leurs particularités. L’histoire naturelle de l’Angleterre paraissait lui être familière. Elle connaissait toutes les fleurs sauvages qui bordaient le sentier. À toutes les chétives plantes qui poussaient auprès des pierres ou dans les crevasses de vieux murs, plantes que Caroline n’avait jamais remarquées, elle donnait leur nom en indiquant leurs propriétés : elle semblait avoir fait une étude minutieuse de la botanique des champs et des bois de l’Angleterre. Ayant atteint le haut du ravin, elles s’assirent sur un banc de roc gris et moussu qui faisait saillie à la base d’une hauteur verdoyante et escarpée s’élevant au-dessus d’elles : mistress Pryor regarda autour d’elle, et parla des environs comme si elle les avait vus déjà, dans un temps éloigné ; elle fit remarquer les changements qui s’étaient opérés dans ces lieux ; elle compara leur aspect avec celui d’autres parties de l’Angleterre, révélant dans ses descriptions un sentiment du pittoresque, une appréciation du beau et du vulgaire, une puissance de comparaison qui donnaient à ses discours sans prétention un charme tout particulier.

L’espèce de plaisir respectueux avec lequel écoutait Caroline, plaisir si sincère, si calme, et cependant si évident, excita les facultés de la dame, qui se laissa entraîner dans une douce animation. Rarement peut-être, avec son extérieur froid, son air timide et ses façons peu communicatives, avait-elle connu ce que c’était que d’exciter chez une personne qu’elle pouvait aimer des sentiments de vive affection et d’estime admiratrice. Quelle joie ne dut-elle pas éprouver en voyant cette jeune fille, vers laquelle, à en juger par l’expression émue de ses yeux et de ses traits, elle sentait son cœur entraîné par une irrésistible impulsion, la regarder comme une institutrice et s’attacher à elle comme à une amie ! Avec un accent d’intérêt un peu plus marqué que d’habitude, elle dit en se penchant vers sa jeune compagne et en écartant du front pâle de celle-ci une boucle de cheveux bruns qui s’était échappée du peigne qui la retenait :

« J’espère que l’air vif qui souffle de cette montagne vous