Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/419

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— Je pensais que vous deviez connaître cette circonstance.

— Eh bien ! quoi, alors ?

— Je m’étonne que vous ne m’en ayez jamais fait mention.

— Pourquoi cela vous étonne-t-il ?

— Cela me semble singulier. Je ne puis m’en rendre compte. Vous parlez beaucoup ; vous parlez librement. Comment se fait-il que vous ne m’ayez jamais touché un mot de cette circonstance ?

— Parce que cela s’est trouvé ainsi ; et Shirley se mit à rire.

— Vous êtes une singulière créature, continua son amie. Je croyais bien vous connaître ; je commence à m’apercevoir que j’étais dans l’erreur. Vous avez été muette comme la tombe à propos de mistress Pryor ; et maintenant voici encore un autre secret. Mais pourquoi vous avez fait de ceci un secret, c’est là qu’est pour moi le mystère.

— Je n’ai jamais fait de cela un secret ; je n’avais aucune raison pour agir ainsi. Si vous m’eussiez demandé quel était le précepteur de Henry, je vous l’aurais dit ; d’ailleurs,je pensais que vous le saviez.

— Il n’y a pas qu’une chose qui m’étonne en ceci. Vous n’aimez pas le pauvre Louis ; pourquoi ? Est-ce à cause de sa position que vous regardez peut-être comme servile ? Désireriez-vous que le frère de Robert occupât une place plus élevée ?

— Le frère de Robert, vraiment ! s’écria Shirley d’un ton qui ressemblait au mépris ; et, par un mouvement d’orgueilleuse impatience, elle arracha une rose d’une branche qui s’avançait à travers la fenêtre ouverte.

— Oui, répéta Caroline avec une douce fermeté, le frère de Robert. Il est ainsi étroitement rattaché à Gérard Moore de Hollow, quoique la nature ne lui ait pas donné des traits si beaux ni un air si noble qu’à son frère ; mais son sang est aussi pur, et il serait aussi gentleman que lui, s’il était libre.

— Sage, humble, pieuse Caroline ! s’écria ironiquement Shirley. Hommes et anges, écoutez-la. Nous ne devrions pas mépriser des traits communs, ni une laborieuse et honnête réputation, n’est-ce pas ? Regardez l’objet de votre panégyrique ; le voilà dans le jardin, continua-t-elle en désignant une ouverture d’un bosquet de vigne vierge ; et à travers cette ouver-