Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/431

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n’avait reconnu dans une des personnes présentes un ecclésiastique, il n’eût pas manqué de se livrer à une philippique sur les habitudes excentriques de sa nièce : le respect pour la robe l’arrêta.

« Je voulais simplement vous annoncer, continua-t-il froidement, que la famille de Walden-Hall, M. et mistress Wynne, misses et M. Sam Wynne, sont au salon. »

Puis il fit un salut et se retira.

« La famille de Walden-Hall ! il ne pouvait m’arriver pis, » murmura Shirley.

Elle demeura assise, l’air un peu contrariée, et peu disposée à se rendre au salon. La chaleur du feu avait coloré son visage ; plus d’une fois ses cheveux noirs avaient été échevelés par le vent pendant la matinée. Elle n’était vêtue que d’une légère et ample robe de mousseline ; le châle qu’elle portait dans le jardin était drapé en plis négligés autour de sa taille. Son aspect avait quelque chose d’indolent, de sauvage, de pittoresque et de singulièrement joli, plus joli que de coutume, comme si quelque émotion intérieure eût donné une fraîcheur et une expression nouvelles à ses traits.

« Shirley, Shirley, vous devez y aller, murmurait Caroline.

— Je me demande pourquoi. »

Elle leva les yeux, et vit dans la glace qui surmontait la cheminée M. Hall et Louis Moore qui la regardaient gravement.

« Si, dit-elle avec un sourire, si une majorité de la compagnie présente maintient que les gens de Walden-Hall ont des droits à mes civilités, je soumettrai mes inclinations à mes devoirs. Que ceux qui pensent que je dois aller lèvent la main. »

De nouveau elle consulta le miroir, qui réfléchit un vote unanime contre elle.

« Vous devez y aller, dit M. Hall, et vous comporter courtoisement aussi. Vous avez des devoirs envers la société. Il ne vous est pas permis de faire seulement ce qui vous fait plaisir. »

Louis Moore fut du même avis.

Caroline, s’approchant d’elle, lissa ses boucles flottantes, donna à son costume une grâce plus décente, mais moins artistique, et Shirley fut mise hors de la chambre, protestant par une moue significative contre son renvoi.

« Il y a dans sa personne un charme curieux, dit M. Hall