Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/485

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chalance ne compromette jamais son élégance ; et c’est vraiment par cette brèche de son caractère que l’on peut s’assurer de la réalité, de la profondeur, de la pureté de cette élégance. Un vêtement complet couvre quelquefois la maigreur et la difformité, tandis qu’une manche déchirée peut révéler un bras ravissant. J’ai tenu dans mes mains beaucoup d’objets lui appartenant, parce qu’elle les laisse souvent traîner. Je n’ai jamais rien vu qui n’annonçât la lady. Jamais rien de sordide, rien de souillé. Dans un sens, elle est aussi scrupuleuse que dans un autre elle est imprudente : elle serait paysanne, qu’elle serait toujours élégante et propre. Voyez la pureté de ce petit gant, la fraîcheur du satin de ce sac.

« Quelle différence entre S. et cette perle de C. H. ! Caroline, je m’imagine, est l’âme de la consciencieuse ponctualité et de la scrupuleuse exactitude : elle conviendrait parfaitement aux habitudes domestiques d’un certain frère à moi : elle est si délicate, si adroite, si recherchée, si prompte, si calme ! avec elle tout est fait à la minute, tout est tiré au cordeau. Elle conviendrait à Robert ; mais que pourrais-je faire de quelque chose de si parfait ? Elle est mon égale, pauvre comme moi ; elle est certainement jolie : une petite tête de Raphaël ; raphaélesque par les traits, mais toute anglaise par l’expression, toute insulaire par la grâce et la pureté : mais où y a-t-il là quelque chose à endurer, quelque chose à réprimander ? Comme le lis dans la vallée, elle est incolore, mais n’a pas besoin de couleurs. Quel changement pourrait ajouter à ces perfections ? quel pinceau oserait toucher à cette fleur ? Ma bien-aimée, si jamais j’en ai une, doit avoir une plus grande affinité avec la rose, dont le parfum doux et pénétrant est entouré d’épines. Ma femme, si jamais je me marie, doit stimuler de temps à autre ma grande nature avec un aiguillon ; elle doit fournir de l’exercice à la patience inébranlable de son mari. Je n’ai pas été fait si endurant pour être apparié avec un agneau : je trouverais une responsabilité plus convenable à ma nature dans la charge d’une jeune lionne ou d’une panthère. Je n’aime, parmi les choses douces, que celles qui aussi sont piquantes ; parmi les choses brillantes, que celles qui aussi quelquefois ne le sont pas ; j’aime le jour d’été, dont le soleil fait rougir les fruits et blanchir le blé. La beauté n’est jamais plus belle que quand, si je l’attaque, elle riposte avec courage. La fascination n’est jamais plus complète que quand, excitée et à moitié irritée,