Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/691

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magination. Lorsque nous entendons dire un peu de bien et aucun mal d’une personne, il est aisé et agréable d’en imaginer plus de bien encore ; il est donc inutile d’analyser toutes mes pensées ; qu’il me suffise de dire que le dimanche était devenu pour moi un jour de plaisir tout particulier, car j’aimais à l’entendre, et aussi à le voir ; et pourtant, je savais qu’il n’était pas beau, ni même ce que l’on est convenu d’appeler agréable d’extérieur, mais certainement il n’était pas laid.

Sa taille était un peu, bien peu, au-dessus de la moyenne. La coupe de sa figure aurait pu être trouvée trop carrée pour être belle, mais cela m’annonçait un caractère décidé. Ses cheveux, d’un brun foncé, n’étaient pas soigneusement bouclés comme ceux de M. Hatfield, mais simplement brossés sur le côté d’un front large et blanc ; les sourcils étaient, je crois, trop proéminents, mais au-dessous étincelait un œil d’une singulière puissance, brun de couleur, petit et un peu enfoncé, mais d’un éclat brillant et plein d’expression. Il y avait du caractère aussi dans la bouche, quelque chose qui annonçait la fermeté de dessein et le penseur ; et quand il souriait… mais je ne dirai rien de cela maintenant : car, au moment dont je parle, je ne l’avais jamais vu sourire, et son apparence générale ne me donnait point l’idée que ce fût un homme aussi simple et aussi affable que me l’avaient dépeint les paysans. J’avais depuis longtemps mon opinion formée sur lui ; et, quoi que pût dire miss Murray, j’étais convaincue que c’était un homme d’un sens ferme, d’une foi robuste, d’une piété ardente, mais réfléchi et sévère. Et quand je trouvai qu’à ces excellentes qualités il joignait aussi une grande bonté et une grande douceur, cette découverte me fit d’autant plus de plaisir que je m’y attendais moins.