Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/703

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ment un excellent chien de son espèce ; mais elle affirmait qu’il n’était bon à rien et n’avait pas seulement le sens de connaître sa maîtresse.

Le fait est qu’elle l’avait acheté lorsqu’il était tout petit, et avait tout d’abord voulu que personne ne le touchât qu’elle. Mais, bientôt fatiguée d’un nourrisson si ennuyeux, elle avait facilement consenti à me permettre d’en prendre soin. J’avais donc nourri la pauvre petite créature de l’enfance à l’adolescence, et tout naturellement j’avais obtenu son affection ; récompense que j’eusse fort appréciée, et considérée comme compensant et au delà la peine que j’avais eue, si la reconnaissance du pauvre Snap ne l’avait exposé à de dures paroles et à des coups de la part de sa maîtresse, et s’il n’eût en ce moment même couru risque d’être vendu à quelque maître dur et méchant. Mais comment pouvais-je empêcher cela ? Je ne pouvais, par de mauvais traitements, m’en faire haïr, et elle ne voulait pas se l’attacher en le traitant avec bonté.

Pendant que j’étais là assise, le pinceau à la main, mistress Murray entra dans la salle.

« Miss Grey, dit-elle, chère, comment pouvez-vous rester à votre dessin par un jour comme celui-ci ? (Elle pensait que je peignais pour mon propre plaisir.) Je m’étonne que vous ne mettiez pas votre chapeau et ne sortiez pas avec les jeunes ladies.

— Je pense, madame, que miss Murray est occupée à lire, et que miss Mathilde s’amuse avec ses chiens.

— Si vous vouliez essayer d’amuser vous-même miss Mathilde un peu plus, je crois qu’elle ne serait pas forcée de chercher de l’amusement en la compagnie des chiens, des chevaux, des grooms, autant qu’elle le fait ; et si vous vouliez être un peu plus gaie, plus expansive avec miss Murray, elle ne s’en irait pas si souvent dans les champs avec un livre à la main. Je n’ai pas l’intention de vous faire de la peine ; pourtant, ajouta-t-elle en voyant, je suppose, que mes joues étaient brûlantes et que ma main tremblait d’émotion, je vous en prie, ne soyez pas si affectée ; je n’ai pas autre chose à vous dire sur ce sujet. Dites-moi si vous savez où est allée Rosalie, et pourquoi elle aime tant à être seule.

— Elle dit qu’elle aime à être seule lorsqu’elle a un livre nouveau.

— Mais pourquoi ne peut-elle lire dans le parc ou dans