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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/223

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de rendre l’industriel responsable de ces erreurs. Ce dernier, soutenu par ses confrères, aurait adressé aux pouvoirs publics une requête dont l’adoption devait décharger de toute responsabilité les typographes qui ne pouvaient « changer les copies des auteurs »…

Le principe était excellent ; le Code des usages en a consacré le bien-fondé ; mais…

« La vigilance au sujet des règles typographiques est, a-t-on dit, la pierre de touche du bon, du vrai correcteur. » Ce n’est point la seule, à la vérité, car ainsi compris le rôle du correcteur paraît singulièrement diminué. « Le véritable correcteur doit être à la fois érudit et typographe », il ne faut pas l’oublier : cette dualité est sa caractéristique principale, sa raison d’être : la langue et la technique doivent solliciter également son attention. Son initiative doit être la même et pour l’une et pour l’autre, mais dans celle-là comme pour celle-ci elle doit être prudente et réfléchie.

« Foin de cette initiative exagérée qui entraîne le correcteur au delà du rôle que lui assignent légitimement et ses attributions et ses connaissances ! Que jamais un correcteur ne s’attribue à lui-même, vis-à-vis d’un auteur, cette attitude frondeuse d’un Grosjean typographe ! Discuter, couper, changer est une manie dont certains n’aperçoivent pas tout d’abord le danger. Pour un auteur qui, d’un œil narquois, tolère la leçon, il en est vingt dont le sourire sardonique cache un mépris silencieux, il en est cent dont les reproches courroucés déchaînent la tempête. »

Correcteurs, mes collègues, qui avez « modifié » une ponctuation erronée, « signalé » un mot à double sens, rectifié l’orthographe irrégulière d’un nom, estimez-vous heureux si l’auteur ne vous a point, au nez et à la barbe de votre patron ou de votre directeur, décoché quelque propos malséant. Ne vous aurait-on point, certain jour, ironiquement « prié » d’aller chez l’épicier du coin prendre une leçon d’orthographe ; ne vous aurait-on point, non sans quelque vivacité, « sollicité » de vous occuper de ce qui vous regarde ; enfin, ne vous aurait-on point « mis en garde » contre la paille qui ne put empêcher votre œil d’apercevoir la poutre ?…

Si l’adage populaire : « La copie ! Rien que la copie ! » comporte dans sa sagesse même une exagération dont il est nécessaire de faire