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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/395

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des lignes qui précèdent : ne rien négliger pour que les intérêts de la Maison soient soigneusement sauvegardés, en même temps dégager sa responsabilité et soutenir sa réputation littéraire et technique. Le correcteur qui veut atteindre ce but ne doit jamais — il est indispensable d’insister sur ce point — laisser passer, sans les solutionner dans la mesure de ses moyens, l’une ou l’autre de ces nombreuses difficultés d’interprétation, d’orthographe, de rédaction, etc., dont les manuscrits de certains auteurs sont comme à plaisir émaillés.

Nombre de correcteurs sont trop fréquemment portés à se « laver les mains » de ces cas embarrassants qui mettent en opposition violente leur désir de bien faire et la nécessité d’aller vite ; ceux-là ont une tendance regrettable à écouter et à suivre les conseils des patrons, des chefs qui recommandent, qui exigent en des termes moins expressifs, mais enfin qui recommandent le travail « vivement bâclé » ; avec un tel principe, la besogne ne sera jamais irréprochable. Pour se dispenser de recherches fastidieuses, pour éviter ces reproches rengaines : « La production de la journée n’a pas été merveilleuse », « la lecture ne va pas » ou « n’avance pas », le correcteur en premières passe rapidement ; il étouffe ses scrupules sous ce sophisme banal : « L’auteur doit revoir les épreuves ; le correcteur de secondes, relire les bons à tirer ; ils auront, l’un et l’autre, amplement le loisir de remédier au mal. » Maintes fois cependant l’auteur, préoccupé de son sujet, parcourt le texte sans que son attention ait été éveillée ; le correcteur en secondes se trouve aux prises avec des difficultés qu’il lui est indispensable de signaler, au détriment de la réputation professionnelle de son collègue, au mécontentement du patron, à l’étonnement de l’auteur qui ne peut comprendre comment ces erreurs ont échappé dès le début.

Il est possible qu’un sujet tout spécial soit au-dessus de l’entendement du correcteur même le plus instruit : mathématiques supérieures, traités de théologie ou de dogmatisme, thèses de tout droit et de tout acabit ; il n’y a dans ces circonstances aucun démérite à reconnaître l’impossibilité de mener à bien la recherche entreprise ; mais l’excuse est inadmissible si le correcteur omet de prendre note de l’obscurité du texte, de l’irrégularité du manuscrit, et de faire solutionner l’une et l’autre par l’auteur.

Certains protes, à l’encontre des intérêts bien compris d’une Maison,