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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/487

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part de la gloire que les diverses éditions du Dictionnaire de l’Académie ont fait rejaillir sur la savante Compagnie, à qui l’imprimerie doit-elle ce lustre, cet éclat unique ? Est-ce donc à la beauté des impressions ?…

« À Dieu ne plaise que je veuille établir ici que la beauté de l’impression est un élément de succès de mauvais aloi, qu’il faille le négliger complètement : loin de là ; je ne comprends le livre que parfait à tous les points de vue, aussi parfait, du moins, que peut l’être une œuvre humaine, c’est-à-dire exempt de fautes, irréprochable sous le rapport de l’exécution typographique, et imprimé avec le plus grand soin ; mais je proteste — et c’est là le but principal de cette lettre — je proteste de toute l’énergie d’un homme qui a derrière lui de longues années d’études professionnelles, contre l’importance exagérée que les maîtres imprimeurs, depuis l’invention des presses mécaniques surtout, ont donnée à l’impression et en général aux procédés qui peuvent favoriser la rapidité du tirage — à la fabrication, en un mot — au préjudice de la partie littéraire et savante de leur profession[1]. »

La réponse à ces lignes d’une rare vigueur fut plaisante ; les libraires de 1715 l’auraient accueillie avec plaisir : « La correction d’un livre est une affaire de grammaire et de critique littéraire, et non la nôtre. »

Cette affirmation, qui émanait d’un journal technique, l’Imprimerie, dont l’autorité fut indiscutable pendant près d’un demi-siècle, était bien faite pour surprendre : elle n’était point certes d’accord avec celle de l’auteur de l’Almanach des Muses qui écrivait :

Pour humilier les auteurs,
Le dieu du Parnasse en colère
Voulut leur rendre nécessaire[2]
Le dangereux secours d’ignorants correcteurs ;

  1. L’Imprimerie, juillet-août 1867.
  2. « Les personnes qui n’ont aucune notion de l’imprimerie s’étonneront à bon droit que les auteurs, qui sont les correcteurs naturels de leurs ouvrages, aient réellement besoin de cet auxiliaire ; elles comprendront difficilement que la science d’un homme de lettres soit insuffisante pour obtenir, sinon la perfection, du moins une exécution satisfaisante. Un homme du métier s’offenserait d’abord d’une semblable erreur, mais, en réfléchissant, il la pardonnera sans peine, s’il n’a pas oublié l’exemple de notre célèbre La Bruyère : ce profond observateur, ce moraliste éclairé, que son esprit, ses études de mœurs, et surtout ses relations fréquentes avec les imprimeurs auraient dû mettre en garde contre un tel démenti à la vérité, La Bruyère n’a pas craint de présenter l’état de correcteur comme le pis-aller de toutes les capa-