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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/529

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En province, le taux des salaires était évidemment inférieur à celui des salaires accordés aux compagnons de la capitale[1]. Nous en avons déjà donné maints exemples au xvie siècle[2]. En voici un autre : « En mai 1660, Nicolas Oudot embauche deux compagnons pour travailler à Sens, sur différents livres liturgiques qu’il faisait en société avec l’imprimeur Louis Prussurot. Ces compagnons sont payés 6 livres par semaine, qu’il y ait ou non des fêtes ; ils couchent ensemble dans une chambre garnie louée par Oudot[3]. » — Le salaire annuel des ouvriers de Nicolas Oudot était ainsi de 312 livres, ce qui, au taux moyen de 2 fr. 85 la livre, donnerait, d’après M. Levasseur, une somme de 1.000 francs en chiffres ronds. En acceptant, par ailleurs, comme salaire moyen d’un typographe parisien, le chiffre mensuel de 33 livres, intermédiaire entre celui de M. Levasseur (40 livres) et celui du Parlement (27 livres), on obtient, toujours à la valeur de 2 fr. 85 la livre, 94 francs par mois, soit pour une année 1.130 francs en chiffres ronds [4]. — D’où une différence de gain de 46 livres, ou 130 francs environ, en faveur de Paris, qu’il faut réduire à 100 francs seulement, en tenant compte de la « chambre garnie louée par Nicolas Oudot ».

Attirés par les salaires plus élevés pratiqués dans les imprimeries parisiennes, nombre de typographes — et de correcteurs aussi, nous le savons[5] — émigraient de la province vers la capitale. Les qualités professionnelles de ces immigrants étaient, il faut le croire, fort appréciées des maîtres, de même que la vertu d’économie qu’ils pratiquaient volontiers. Aussi étaient-ils toujours accueillis avec faveur. Les compagnons parisiens s’en plaignaient avec amertume : «  La plupart travaillent en arrivant, au préjudice des apprentis de Paris parce que les maîtres les préfèrent par la raison que les apprentis de

    tions ont été exécutées, encore qu’illégales. À défaut d’autre preuve de ce fait, il suffirait de citer les prescriptions, tant de fois répétées, qui interdisent aux ouvriers de réclamer, aux maîtres de leur donner une rémunération supérieure ; on ne défend pas avec cette énergie les lois qui sont respectées par tous. » (H. Hauser, Ibid., p. 107.)

  1. « Nous savons qu’à Lyon, ville libre, les typographes étaient beaucoup moins payés, et pour un travail supérieur, qu’à Paris, ville de jurandes. » [H. Hauser, Ouvriers du temps passé (xve et xvie siècles), p. 104.]
  2. Voir p. 501.
  3. P. Mellottée, Histoire économique de l’Imprimerie, t. I, p. 289.
  4. Nous rappelons que, pour connaître la valeur approximative de ces chiffres en 1923, il est nécessaire de les multiplier par le coefficient moyen 3,50.
  5. Josse Bade, en 1499, vint de Lyon à Paris (p. 56) ; — Gilbert Ducher, né à Aigueperse en Auvergne, fut correcteur à Paris (p. 63) et à Lyon ; — en 1583, Gabriel Chappuis, qui habitait Lyon, alla se fixer à Paris (p. 11, note 6).