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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/539

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Malheureusement, dit le journal, les correcteurs, obligés, pour ajouter à leurs salaires du jour, d’emporter chez eux des épreuves qu’ils corrigent le soir, ont bien peu de loisir. M. Bernier, président, expose ainsi la situation : « Nous sommes tous parfaitement disposés à entrer dans la voie que nous indique notre vénérable président, et j’ai déjà eu l’occasion d’encourager et de faciliter des réunions de ce genre ; mais la question toujours renaissante du pain quotidien est l’écueil contre lequel viendront longtemps encore se briser, je le crains, ces tentatives. Tant que le correcteur ne sera pas rémunéré de façon à pouvoir se dispenser de ces travaux extraordinaires qui sont devenus indispensables à l’équilibre de son budget domestique, pourra-t-il apporter à l’examen des questions de langues, de grammaire et d’orthographe la sérénité d’esprit qui convient à de semblables études ? Se croira-t-il même le droit de frustrer son intérieur d’un gain devenu nécessaire à l’existence normale de sa famille[1] ? »

« Tout cela est fâcheux, car la Société des Correcteurs ne s’affirmera véritablement que par des travaux utiles à la profession. À quoi lui servirait alors de s’adjoindre, comme membres honoraires, des hommes qui, par leur savoir, par leurs connaissances spéciales, semblent être appelés là précisément pour l’aider dans sa tâche ? »

Voici, d’ailleurs, d’après le même M. Bernier, croyons-nous, quelle était, encore en cette année 1868, la situation du correcteur typographe : « … Un correcteur qui remplit ces conditions est un trésor pour une imprimerie. Aussi les lecteurs du Grand Dictionnaire[2] seront-ils étonnés d’apprendre que généralement les services si grands et si pénibles rendus par cet homme précieux sont rémunérés d’une façon insuffisante. Le maximum du traitement des correcteurs en seconde, dans les maisons dites à labeur, c’est-à-dire dans celles où se font les ouvrages de longue haleine, ne dépasse pas 8 francs pour dix heures de travail ; et encore ce prix est-il exceptionnel : deux ou trois correcteurs au plus, à Paris, sont arrivés à ce chiffre de salaire qui représente à peine une somme annuelle de 2.200 ou 2.300 francs, défalcation faite des jours fériés, c’est-à-dire à peu près les appointements d’un troisième de rayon

  1. La situation, disons-le, n’a pas changé ; et toutes les tentatives analogues à celles préconisées par M. Didot se heurteront à « cette nécessité inéluctable du pain quotidien ».
  2. Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, par Pierre Larousse, t. V, art. Correcteur, p. 182 (1869).