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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/1005

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Cette théorie est ingénieuse, mais nous ne saurions l’admettre. Dire que le style doit se conformer aux exigences de la grammaire, mais que la ponctuation peut s’en affranchir, c’est émettre une grosse hérésie. En effet, tout en se conformant aux règles du langage, l’écrivain a une grande liberté d’allures, et le style est une chose tellement personnelle que l’on ne trouverait pas deux auteurs dont la manière d’écrire fût identique. La ponctuation, au contraire, procède de la grammaire et de la grammaire générale. Basée sur l’analyse du langage, la ponctuation doit être la même pour toutes les langues. Que les écrivains, tout en se conformant tous aux règles de la syntaxe et de l’orthographe, ponctuent chacun d’une manière différente, cela se comprend : ils se sont peu occupés de cet art difficile et fastidieux, pour lequel ils se reposent généralement sur les hommes de métier, les correcteurs. Quelquefois, ces pauvres diables de correcteurs, les parias de l’imprimerie, les boucs émissaires des auteurs, rencontrent des entêtés qui rétablissent impitoyablement sur l’épreuve ce qu’ils appellent leur ponctuation. Il faut bien s’y soumettre ; aussi quelle anarchie !
xxxx Voici un passage où Mme Sand expose tout son système :
xxxx « S’il y a tant soit peu de recherche ou d’obscurité dans une explication, vous l’éclaircirez par une ponctuation très grammaticale. Si, au contraire, vous parlez de choses que tout le monde entend à demi-mot, ne leur donnez pas l’importance qu’elles ne doivent point avoir ; allez vite au fait, comme vous y allez par la parole écrite ou parlée.
xxxx « Ces nuances ne sont pas du ressort des protes. Un bon prote est un parfait grammairien et il sait souvent mieux son affaire que nous ne savons la nôtre ; mais aussi, quand nous la savons et que nous faisons intervenir le raisonnement, le prote nous gêne ou nous trahit. Il ne doit pas se laisser gouverner par le sentiment ; il aurait trop à faire pour entrer dans le sentiment de chacun de nous : mais, quand il a à corriger nos épreuves après nous, il doit laisser à chacun de nous la responsabilité de sa ponctuation, comme il lui laisse celle de son style. Il se tromperait même, si voulant trop se conformer à notre intention, il se reportait à ce qui semble établi par nous, dans certaine page, pour en ponctuer certaine autre. Le même écrivain peut avoir différents procédés instinctifs ou raisonnés pour détailler différemment des formes analogues dont le fond diffère. Là où vous auriez été très grammatical dans une chose posée, vous ne vous sentez plus forcé de l’être dans une chose émue. Si votre forme est claire, elle peut se passer de cette seconde explication de la ponctuation rigoureuse. »
xxxx On verrait de belles choses si on laissait aux auteurs la responsabilité de leur ponctuation ! Outre que certains de ces derniers n’ont aucune ponctuation, ils se verraient généralement avec grand déplaisir imprimés de la sorte. Il est vrai, nous le répétons, que la plupart ont la sagesse de s’en rapporter sur ce point aux correcteurs.

2. En littérature on distingue deux sortes de ponctuation :

a) La ponctuation graduelle marque l’importance relative des différentes parties logiques qui composent un discours, le degré de subordination que les phrases logiques, que les périodes ont entre elles.