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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/470

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À cette opinion de M. Beaudoire, il est bon d’opposer, sur quelques points seulement, celle que M. A. Pihan, prote de la typographie orientale à l’Imprimerie Impériale, soutient dans l’Exposé des signes de numération usités chez les peuples anciens et modernes (1860, in-8) :

« … Malgré les rapports journaliers des Hindous avec les Musulmans, qui ont envahi la plus importante partie du sol indien, les premiers, toujours fidèles à l’antiquité de leur culte et de leur race, ont conservé les chiffres et l’écriture de leurs ancêtres. Quant aux Persans et aux Arabes, qui se sont de plus en plus multipliés dans l’Inde, ils se servent, pour l’écriture de l’Hindoustani, de leurs propres caractères, augmentés de quelques signes de convention, et pour leurs opérations commerciales des chiffres dont ils ont donné, les premiers, connaissance à l’Europe au moyen âge…

« La numération arabe peut se diviser en orientale et en occidentale… Cependant les chiffres usuels empruntés à l’Inde par les Arabes sont les mêmes pour tous les peuples qui font profession de l’islamisme. Quant aux chiffres arabes appelés gohbâr, la principale remarque à faire, c’est que le zéro ne figure point dans les manuscrits asiatiques, tandis qu’on le rencontre dans ceux des Arabes du Maghreb.

« Disons maintenant quelques mots sur l’origine indienne des chiffres appelés communément arabes.

 « Les premières relations commerciales des Arabes avec l’Inde sont enveloppées de la plus profonde obscurité. Cependant il paraît admis que des marchands persans et arabes avaient formé de très bonne heure des établissements sur les côtes de l’Inde. Or ces marchands, qui probablement connaissaient le système de numération indienne, devaient l’approprier à leur usage particulier, puisqu’il était beaucoup plus simple que l’emploi des lettres numérales ; et un intérêt personnel aura pu les porter à modifier quelque peu la forme des chiffres ou leur position relative, afin de les rendre, dès le premier abord, moins intelligibles aux Indiens eux-mêmes. Un fait analogue se renouvelle du reste, chaque jour encore, chez certains commerçants français et autres dont les marchandises portent des chiffres ou des marques de convention.

« Plusieurs autres Orientaux pensent que l’emploi des chiffres indiens par les Arabes est postérieur à la première invasion musulmane dans l’Inde, laquelle eut lieu peu de temps après la mort de Mahomet, sous le calife Omar. On peut consulter, à ce sujet, les passages cités par M. Reinaud dans son Mémoire géographique, historique et scientifique sur l’Inde[1]. À la page 13 de ce savant mémoire on lit : « C’est d’ailleurs aux Indiens que nous sommes redevables du système de numération tel qu’il est maintenant usité partout. »

En comparant les diverses formes des chiffres indiens et arabes, il est facile d’établir la dérivation des nôtres : il suffit de rapprocher d’abord les chiffres arabes de leurs correspondants indiens, puis de retourner ou changer de place quelques signes, ainsi que l’ont fait les Arabes à l’égard des chiffres dévanagaris.

L’origine indienne des chiffres arabes, admise sans difficulté par les plus célèbres orientalistes, a trouvé des contradicteurs, parmi lesquels il faut signa-

  1. Paris, Imprimerie nationale, 1849, in-4o.