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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/99

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du composteur. Outre qu’il est difficile de se rendre compte, de cette manière, de l’élasticité et, par suite, de la bonne ou de la mauvaise justification d’une ligne, l’espace fine, n’offrant pas une résistance suffisante pour supporter la poussée qui l’oblige à se loger dans la ligne, ne peut servir de terme de comparaison pour voir si toutes les lignes sont justifiées avec la même élasticité, condition essentielle.

La dernière lettre doit rentrer avec une résistance moyenne, à frottement doux, afin de donner au texte, comme on l’a déjà dit, une certaine élasticité, qui est nécessaire pour l’opération ultérieure de l’imposition. Avec une justification faible, sous les efforts de là presse, les lettres se couchent et ne paraissent, qu’incomplètement à l’impression. Une justification forte occasionne fréquemment, à l’imposition, des accidents désagréables : lors du levage de la forme, la page peut se rompre, par suite d’une insuffisance de serrage de l’ensemble due à la ligne forte ; dans les compositions compactes, presque inévitablement un soleil se produit, obligeant à la recomposition d’une fraction plus ou moins importante du texte ; au cours du tirage, les espaces, les cadrats les interlignes et même les garnitures montent insensiblement par suite de la trépidation et ne tardent pas à marquer sur la feuille ; à ce point de vue les habillages de gravures causent de fréquents ennuis. L’inconvénient est plus grave encore, si le texte comporte un tableau, une opération mathématique, ou quelque autre intercalation de formule algébrique ou chimique.

Les lignes creuses — titres en vedette, fins d’alinéas, opérations — dites lignes à cadrats sont justifiées à frottement plus doux. En raison des cadrats qu’elles contiennent, ces lignes ont en effet moins d’élasticité. En outre, l’espace justifiante, quelle qu’elle soit, se place près de la dernière lettre et jamais entre les cadrats, pour éviter « qu’elle ne monte et marque à l’impression ». Même, un compositeur soigneux aura soin, dans ces lignes à cadrats, de ne pas laisser un demi-cadratin ou un cadratin à l’extrémité de la justification, après des cadrats de 2, 3, 4 cadratins.

Dans les compositions à lignes courtes — tableaux, manchettes, légendes, habillages de gravures, etc. — l’espace fine, malgré son peu d’épaisseur, est, cependant, parfois encore trop forte pour obtenir une justification convenable : dans ces cas, afin d’arriver à la longueur exacte, presque toujours on utilise des espaces en papier, coupées à la demande de chaque cas particulier, et auxquelles on donne le nom d’espaces de Limoges ; enfin — mais ces procédés ne sauraient se recommander, car ils sont répréhensibles — quelques ouvriers faussent légèrement une espace fine pour lui donner la force voulue ou utilisent comme espace justifiante