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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/100

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DE PHILIPPE

tendre, ne plus sentir. C’était comme un reflet, que cette peur du néant, un reflet de l’au-delà. Le rien était quelque chose. Il n’avait pu prier cependant. Et toujours cette peur l’arrêtait dans ses mouvements de suicide.

Passant devant une taverne, Philippe entra à tout hasard.

— Tiens ! Philippe…

On lui tendait la main.

— Je gage que tu n’as pas encore le sou.

Bien qu’il voulût boire tout de suite, Philippe ne résista pas à son goût d’exhibitionnisme, cette habitude de la confession qui est la dernière des vanités. Il lui fallait aussi se confesser chaque fois à lui-même, et c’est ainsi que ces confessions, devant les inconnus comme à ses amis, étaient scandées de correctifs, de reprises, de repentir : « Non, je me trompe, c’est autre chose qui me poussait… Je suis peut-être un menteur, mais c’est surtout le goût du scandale… J’exagère, mais il doit y avoir du vrai… »

Philippe professa qu’il était un tapeur, sans être tapeur et que le parasitisme peut aisément s’expliquer, puisque les plus dédaigneux sont parasites.

— Alors, tu n’as pas soif ?

— Tu sais bien que je suis malade.

Il disait cela d’un air piteux. Il était prêt de s’agenouiller, maintenant que l’autre avait ri de lui avec son « Tu n’as pas soif », lorsque