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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/115

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LA FOLLE EXPÉRIENCE

une voix factice, qui détachait les mots, comme le fait une folle lente.

— Dis-moi où tu l’as vue ?

— Tu n’as pas le temps, donne-moi rendez-vous, je te conterai tout ça…

Ils s’étaient exaltés l’un l’autre. Ils l’avaient assimilée à cette Ariane, jeune fille russe, dont le romancier Claude Anet contait les aventures, et le nom amenant l’autre, ils avaient encore assimilé Simonne à l’Ariane de Racine, « de quelle amour blessée… ». Philippe avait même paraphrasé les vers en quatrains dont il fut content quelques semaines. Ces quatrains, tout compte fait, résumaient les amours de Philippe plus que ses souvenirs et une histoire de suicide qu’il avait écrite, en faisant croire à Lucien qu’il avait tenté de s’empoisonner à cause de Simonne. À un médecin qui riait de Freud devant lui, il avait lu aussi cette prose, en ajoutant :

— Il n’y a pas de meilleure preuve de freudisme. Je croyais aimer Simonne, parce que je n’avais pas de femme à montrer, et je racontais un suicide parce que ma timidité savait bien que je ne pourrais même pas feindre une déclaration.

Philippe s’était bien gardé de ces réflexions devant Lucien, parce que, ayant peu d’amis, Philippe était jaloux des liens, si lâches fussent-ils, qui retenaient encore à lui ses amis ; parce que c’était un beau mensonge et enfin parce