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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/126

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DE PHILIPPE

— Vous ne saviez pas que j’écrivais des vers aussi ?

Pothier, surpris, lui avait versé sur le champ un petit cachet, et Philippe l’en avait méprisé d’autant. Du reste, depuis quelques mois, Pothier changeait les phrases de ses articles, il ajoutait méchancetés sur méchancetés, il engueulait sous son nom les abbés et les autres qu’il n’osait viser directement, et les articles de Philippe avaient l’air de ces tapis de campagne, les catalognes de couleurs et de pièces bariolées qu’on étend sur les parquets jaunes, et c’était amusant que ce contraste du sans-gêne débraillé de Philippe et des ironies pincées et grammaticales de Pothier. Chaque fois, il disait à Philippe, en lui montrant le numéro fraîchement imprimé :

— J’ai ajouté ceci, j’ai changé cela : vous ne trouvez pas que cela exprime mieux votre pensée ?

C’était toujours au moment que Philippe désespérait d’avoir son cachet. Fâché au fond, il n’en saisissait pas moins l’occasion de demander les sous qu’il obtenait, et il repartait, ivre d’humiliation : il se vendait pour de la dôpe et n’avait jamais été fier vraiment que de son indépendance et d’être lui.

Cette fois, c’était plus grave, et, plus que toutes ses indélicatesses, il partit avec ce remords d’avoir volé le texte d’un autre. Ce qui augmentait sa confusion, c’est qu’il songeait au