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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/152

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LA FOLLE EXPÉRIENCE DE PHILIPPE

tout était obscur, et cela ressemblait à un lupanar désaffecté, malgré l’absence de lumières roses et rouges, si bien que, la première fois qu’il y jeta un regard, Philippe se souvint, par associations d’images, à cette grue qui avait, dans « le temps des Fêtes » une crèche dans sa chambre et aussi à ce sous-sol aux meubles branlants où, avec Dufort, il avait eu tellement peur un dimanche d’hiver : la grue était une métisse japonaise ou chinoise et, dans la chambre, il entendait des coups frappés avec force, si bien qu’il sortit et vit un homme avec une hache :

— Pis ensuite, je fends mon bois, cette affaire, avait dit le souteneur au peureux.

Cependant, si l’on parvenait à la cuisine de cette maison, on écarquillait les yeux : devant la porte, une grande fenêtre qui s’ouvrait sur une ruelle, avec toute la ville au fond. Dans les chambres du deuxième étage aussi, qui plongeaient sur les cours de l’hôpital, il y avait du soleil à profusion, les jours que le soleil, cet automne, montrait un nez anachronique parmi ces vieilleries ; le premier avait le parquet lumineux alors et le reste dans l’ombre, parce que les murs l’obscurcissaient à mi-corps.

Ce fut une grosse courte qui ouvrit et lui « fit ses conditions ». Devant Philippe, elle eut d’abord un regard de dédain. Il n’avait pour tout bagage que la vieille serviette, le manteau poilu et un béret qu’il venait de tirer d’une