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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/175

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LA FOLLE EXPÉRIENCE

— Je vous assure qu’il n’y a personne… Allons-nous-en…

— Il y a quelqu’un, j’ai vu la grosse femme…

— Il n’y a personne…

Philippe s’était beaucoup réjoui d’avoir fait frôler le vice à cet être pudibond, de l’avoir effrayé et même de l’avoir forcé à mentir. Le pauvre Bernard en avait été triste pour deux semaines, et Philippe était sûr qu’il s’était accusé plusieurs fois devant son confesseur d’être allé dans une « mauvaise maison ».

Maintenant, bien que le séminariste, avec sa chevelure éteinte et ses yeux d’albinos, lui donnât à rire, Philippe, parce qu’il avait la bonté de l’escalier et la pitié rétrospective, s’attendrissait. Il se força donc à écouter l’histoire du séminariste. Rien n’était plus banal, cependant. Il avait dû quitter le séminaire, parce qu’il était de santé trop délicate. Alors, il était entré à l’emploi d’un marchand d’objets de piété, qui l’avait envoyé au Canada comme démarcheur. Peu de temps après, il avait reçu un petit héritage, mais il n’avait pu se résoudre à retourner en France, parce que ce pusillanime craignait le mal de mer. Toutes épreuves dont il était fier que son humilité, vraiment chrétienne, osât les confesser. Il les colorait du reste, et le séminariste ne manquait ni de raisons ni de prétextes :

— On peut faire du bien, partout, même dans mon humble sphère… Et le Canada français