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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/97

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LA FOLLE EXPÉRIENCE

ses peurs, il avait maîtrisé cette crainte physique logée à l’épigastre et qui faisait un froid insupportable au creux de l’estomac, il s’était conté des contes, il s’était récité des vers, des vers blancs qu’il composait au fur et à mesure, sans queue ni tête, des alexandrins blancs que presque toute une nuit il avait déroulés, se calmant sans réussir à s’endormir. Il avait résisté presque jusqu’au matin, et, s’il était parti subitement aux petites heures, ç’avait été comme si le lâche en lui, surpris de cette résistance insolite, eut passé par-dessus ce courage et n’eut vaincu qu’en le saisissant et l’emportant, sans entendre ses raisons, jusqu’à la pharmacie où, pour la première fois, il avait eu honte d’acheter et de boire sa dôpe. Il était reparti très vite, tel un voleur.

Mais Philippe avait peur. Il se forçait à ne pas remuer les jambes : « Si, vraiment, j’étais paralysé. » Il se voyait étendu, ne pouvant bouger, ainsi qu’il arrive dans les cauchemars. On le prendrait là, on le conduirait en ambulance, il entendrait tout, et, peut-être qu’on le piquerait avec de longues aiguilles, comme il avait vu d’un type trépané pour une congestion cérébrale. Cette pensée lui donna le désir d’aller à l’hôpital, où son ami le docteur Dufresne le traiterait, lui donnerait peut-être au commencement beaucoup de jaune. Mais il lui en fallait pour supporter le coup de l’entrée, et il n’avait pas le moindre argent. Du reste,