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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/35

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moyens de son exégèse ; et sa philosophie n’en serait pas une, il n’y aurait pas lieu d’en parler, s’il ne s était approprié, pour en faire l’unique support de sa pensée, quoi ? la critique de Kant, ou la métaphysique de Hegel ? Non, mais tout simplement la Préface que Littré venait de mettre à la traduction de la Vie de Jésus, du fameux David-Frédéric Strauss[1].

Vous vous rappelez peut-être. Monsieur, qu’il n’y a rien de moins profond, et que toute cette

  1. La Préface de Littré à sa traduction de la Vie de Jésus de Strauss n’est datée, il est vrai, que de 1853, mais les déclarations explicites et formelles de Renan sur la question du miracle et du surnaturel, — deux choses qu’il confond et qu’on nous permettra de ne pas distinguer, parce que la distinction nous conduirait un peu loin, — ces déclarations sont celles que l’on trouve dans sa Vie de Jésus ; et elles ne datent donc que de 1863.

    Il est intéressant de rapprocher les textes essentiels. Voici celui de Littré :

    « En cherchant la différence la plus remarquable entre l’antiquité et le temps moderne, on n’en trouvera pas de plus marquée ni qui soit plus effective que celle qui touche la croyance au miracle. L’intelligence antique y croit : l’intelligence moderne n’y croit pas. Là est le signe par lequel on distinguera le plus sûrement des âges qui «ont dans un rapport de filiation, tellement que l’incrédulité des uns ne se serait pas établie sans la crédulité des autres… En rejetant le miracle, l’âge moderne n’a pas agi de propos délibéré, le voulant et le cherchant, mais… une expérience que rien n’est jamais venu contredire lui a enseigné que…